A propos de l'arobase @
@u nombre des signes et caractères manipulés quotidiennement sur nos claviers, il en est un familier à tous débutants ou informaticiens de haut vol : l’arobase. Ce caractère nous semble indéniablement être l’un des symboles de la « modernité communicative ». Et pourtant..
Le site espagnol remercie chaleureusement monsieur Daniel Brette, professeur agrégé émérite de notre académie (lycée Blaringhem de Béthune) pour cette contribution très intéressante.
A PROPOS DE L’AROBASE
L’histoire de ce signe est passionnante : il remonte à l’Antiquité, a roulé sa bosse sur les marchés et les routes commerciales du bassin méditerranéen, puis de tous les océans et mers du monde. Son dessin énigmatique est universellement connu. Son histoire mérite d’être contée.
Le signe @ utilisé en informatique vient du latin classique et de la fusion des lettres a et d en abréviation de la préposition latine « ad ». En latin cette préposition a le sens de vers (mouvement et direction). Cette préposition très fréquente en latin était abrégée en enroulant le d autour du a.
Ultérieurement ce signe fut utilisé chez les Romains dans la vie courante pour indiquer le prix d’une marchandise. Exemple transposé : 1 kg d’oranges @ 1,5 €. Plus tard, ce signe continua à être utilisé dans le commerce, mais on l’associa plutôt à une mesure de poids. Il semble que ce glissement dans l’usage se soit produit en Andalousie pendant la période musulmane.
Le signe @ utilisé dans ce sens est attesté en Espagne depuis 1088. Le terme « arobase » vient de l’arabe « ar-ruba » qui signifie « le quart » d’un quintal. Le quintal arabe valait environ 46 kilos. La « arroba» espagnole valait donc et vaut encore –car cette mesure est encore utilisée parfois dans le monde rural- 11,5 kg. Comme nos anciennes mesures, sa valeur peut varier d’une région à l’autre. Elle était aussi utilisée comme unité de volume pour les liquides ou certaines marchandises en vrac comme le grain. L’usage du signe @ se généralisa dans le commerce et les anglais l’adoptèrent ; ils l’appelaient « at ».
Le sens d’origine se perdit avec le temps, mais le signe subsista et certaines machines à écrire parmi les premières, avaient ce signe au clavier. En 1971, à Cambridge (Massachussetts) un programmateur de 30 ans, Ray Tomlinson, analysa le clavier de sa Model-33 Teletype. Il avait besoin d’un séparateur dans une adresse email pour l’intercaler entre le nom de la personne et le lieu où elle se trouve. Il emprunta le signe @.
Certaines langues continuent à désigner le signe par des mots qui gardent la racine arabe « arrob-« . C’est le cas de l’espagnol (arroba) et du catalan (arrova). D’autres utilisent une image :
-allemand : Klammeraffe (singe araignée)
-espéranto : heliko (escargot)
-italien: chiocciola (escargot)
-hongrois: kukac (ver de terre)
-hébreu : strudel (pâtisserie en forme d’escargot)
-néerlandais : apenstaartje (queue de singe)
Le document ci-dessous est un inventaire de 1525. Régnait Charles Quint, l’empereur sur les possessions duquel le soleil ne se couchait jamais. Ce vieux document répertorie les meubles et ustensiles présents dans une maison appartenant au chapitre d’une localité de la région d’Avila (Vieille Castille). J’en ai fait l’acquisition par hasard il y a une quinzaine d’années. Dans le premier encadré on voit apparaître le mot « arrobas » pour quantifier la capacité de deux « tinajas » (=jarres) : diez arrobas (= 10 arrobas). Le terme apparaît une seconde fois dans le deuxième encadré. Puis, il est abrégé, comme il le sera tout au long de l’inventaire. Nous trouvons là notre moderne « arobase ». Détail rapproché du signe abrégé tiré du même document espagnol de 1525.
Daniel Brette – avril 2008